aura trois ans demain, et mis à part que mon amie a eu un superbe petit
Andrea il y a un mois, tout progresse convenablement pour notre
déménagement et notre installation genevoise : la crèche est enfin bookée dans
le privé pour la rentrée après de grosses frayeurs, car là aussi tout
était complet dès début juin pour la rentrée.., il y a eu succession de
pénibilités et de drames.
Mon parrain est décédé en une semaine d'un AVC à l'étranger quand il
séjournait chez ma cousine, maman d'un magnifique petit Mathis d'un
an.. Il a mis une heure à demander à aller à l'hôpital, mais au final
c'est son coeur qui n'était plus qu'à un quart de ses capacités qui était à
bout et l'a laissé quand il avait sombré dans le coma. Nous ne savions
pas, et a priori lui non plus qu'il avait des problèmes cardiaques de
cet ordre, si importants. Tout a lâché en même temps chez cet homme de
60 ans seulement. Travailleur infatiguable néanmoins.
Et qui vivait le cancer de son épouse, là aussi, en dehors de la
famille proche que nous sommes, coupée de toute information, alors même que
j'avais régulièrement ma cousine, leur fille en ligne pendant cette
période.
L'enterrement qui n'en était pas un, car l'église refusa de faire
entrer son urne funéraire pour la cérémonie, avait fait se déplacer tout
un potentat local de ses amis et relations. C'était quelqu'un de
renfermé mais aussi de très impliqué dans les affaires au travers d'une
passion sur le tard pour les juridictions commerciales dans un rôle de
conseil. Il devait prendre dans deux mois la tête d'une présidence de
Tribunal. Nous avons fait la cérémonie le jour anniversaire de ses 61 ans..Une
seconde cérémonie au soleil du jardin de la maison qu'il aimait, avec
un prêtre humain et ému, nous a prouvé que les départs peuvent être
aussi jolis.
Ma tante a forcé notre respect en prenant une parole coupée mais
forte devant la foule en lui disant amour et admiration, mais en ajoutant
aussi qu'elle n'avait pas de "regrets" sur la vie qu'ils avaient eue
ensemble.. Nous la savions malade mais tellement tenace que nous nous
disions que la maladie serait d'elles deux la moins têtue.
De retour de cette journée d'adieux, je ressens de vives douleurs au
bas du dos gauche, comme des lancements..nuit et jour. Pas d'infection
rhénale que j'avais déjà faite, mais je stresse pour un calcul aux
reins et vais faire immédiatement mes exams (sang, écho) aux urgences de
Necker le dimanche, en redoutant une crise qui arriverait en étant seule
avec mon fils la semaine. Pas de pierre à l'écho, pas de grossesse
extra-utérine non plus car pas de grossesse tout court avec un dosage
d'hormone négatif, mais des tâches à l'autre rein qui inquiètent
l'échographe, qui me prescrit un uro-scanner en urgence.., panique, délais trop
longs à l'hôpital pour l'examen, je prends rdv ds le privé, qui en deux
jours et en deux heures d'examen me rassure : les tâches n'étaient que
des kystes bénins, l'un au rein et l'autre à l'ovaire..Mes douleurs au
dos se tassent par le repos et le massage, elles sont donc lombaires a
priori..mais à creuser.
Après une semaine de ces angoisses, pour moi et les autres, car mes
cousines sont plus ou moins fortes dans ces épreuves, j'apprends que les
derniers examens cancérologiques faits sur ma tante qui a déjà été
opérée d'un bout de poumon seraient mauvais et se sont précipités à
l'issue des derniers évènements..le médecin qui la soigne l'a diagnostiquée
condamnée sous moins d'un an ou quasi ! D'un choc à l'autre.. Et
pourquoi svp? Pourquoi n'aurait-elle pas envie ni besoin de vivre une autre
vie que celle d'épouse qui s'évertue à suivre son mari dans la mort? Ou
est-ce lui qui lui a fait somme toute la courte échelle pour venir
l'accueillir?
Qu'est-ce que c'est que ces malheurs qui viennent décimer la même
année une partie de ma famille qui était entière et heureuse un an avant,
date pour date, à mon mariage?
Quand on a eu comme ma tante une vie entièrement absorbée par ses
quatre filles et son mari, absorbé lui à réussir matériellement, est-ce
qu'il est une loi qui dit qu'une fois sa vie "travaillée", on ne puisse
pas la "gagner" en en profitant? Est-ce qu'ils n'avaient pas le droit
d'en profiter eux aussi? Est-ce qu'en profiter, c'est se retrouver
ensemble ailleurs?
Ma tante est marathonienne, après son opération du poumon, elle a
re-couru ses 42 kms cette année ! Je suis anéantie par cette nouvelle, et
me suis proposée pour l'emmener à Villejuif la semaine prochaine à un
rendez-vous de la dernière chance..je ne connais pas les épisodes de son
combat et de sa maladie qui sont restés secrets d'état, mais elle
semble avoir déjà eu deux chimiothérapies qui sont considérées comme les
dernières en bout de course..
Ma cousine semble dire qu'il n'y a rien de plus à faire, mais ma
tante semble aussi abasourdie par la nouvelle, comme si elle réalisait sa
maladie et sa gravité juste maintenant.
Pour moi qui pleurais en allant faire mon scanner, c'est
incompréhensible.
Que s'est-il passé avec son médecin..?
Les a-t-il informés correctement? Ce deuil a précipité ses marqueurs
dans le rouge..
Qui décide? Dieu, la maladie, son inconscient, ou son mari de l'autre
côté..?
Entre les colères de mon fils à gérer, qui ne comprends pas pourquoi
on lui parle de Genève, et pourquoi il n'y est pas encore..quand son
père disparait maintenant toute la semaine sur cette fin de mois de juin
et des préparatifs d'au-revoir aux copains, lesquels se distinguent par
leur atonie d'ailleurs, je me dis : s'il n'y a pas quelques amis
chers, et une famille unie qui vous soutient dans ces drames affreux, qu'y
a-t-il? Rien.
Quand la mort vient faire toute ses incursions dans nos vies qui
semblent alors bien fragiles et illusoires, comment arriver encore à
cultiver le sel de celles-ci? Sans penser que tout ceci est une fable, et
qu'il va falloir de plus en plus, l'âge aidant, se préparer à se séparer
de ceux que l'on aime ou avec qui on a vécu depuis des années, même par
intermittences.
Je me dis ceci en repensant à toutes ces vacances d'été passées
ensemble avec mes cousines, à ces gaufres que ma tante nous préparait au
goûter, à la prière qu'elle nous a toujours fait faire avant de nous
coucher et que je sais grâce à elle..et je prie encore une fois pour qu'elle
gagne sur sa mort annoncée une vie différente qu'elle mériterait, au
milieu de ses filles et de ses petits-enfants sans problèmes matériels.
Et pour que les douleurs l'épargnent..
Il est tellement atroce de voir souffrir ceux qu'on aime, que je ne
comprends pas que ce débat sur l'euthanasie n'ait pas été tranché une
bonne fois pour toutes. Je veux que si je souffre de ces tumeurs
irréversibles, je puisse mettre fin à ces souffrances sans penser voir envoyer
mes proches en prison. Le suicide est une solution que je prends pour
personnelle.
J'irai prier la vierge de la rue du bac. Demain. Qui m'a fait
connaître mon mari. Comme j'ai prié Ste Thérèse de Lisieux à Auteil cette
année, qui promettait d'exaucer les changements de vie demandés et qui nous
a conduit dans une future nouvelle vie en suisse..
Reste avec nous, Nicole. Je dis à ton père disparu bien trop tôt à
mon âge et moins, qu'il doit te laisser encore un peu avec nous, parce
que lui a déjà beaucoup payé pour notre famille. Les lois de cette vie
nous seront toutes dévoilées plus tard. Encore un peu de temps.
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