Une famille à Paris

Une famille à Paris
Heurts, Malheurs et Bonheurs

14.12.06

Un jugement de Salomon

Travailler ou s'occuper a minima de son fils pour que les maigres acquis éducatifs que nous lui donnons perdurent, sont des objectifs contradictoires. Pour qui est un peu attentif à la réussite de ses projets.
Occuper un poste intéressant pour moi, c'est avoir une vraie place à responsabilités dans une entreprise, en marketing, communication ou organisation des SI, se déplacer de filiales en filiales, de projets en projets, définir et implémenter plutôt qu'obéir, ce qui nécessite ressources physiques et mentales importantes, disponibles et dirigées vers l'objectif à atteindre en majorité. Mon homme me disait hier : "être en couple, c'est déjà une contrainte plus forte qu'en étant célibataire"..., "oui, certes, tu consultes l'autre sur ton planning et cale tes agendas ensemble pour te retrouver le soir", effectivement, mais cela n'a rien à voir avec "devenir psychologiquement responsable du bien-être et de la croissance d'un petit" qui a tellement d'occasions d'être à cet âge choqué, malade, impressionné par des détails que l'on ne comprends pas de suite en tant que grand. Ces trois premières années sont décisives, je le sens intuitivement, mais si je me félicite de certains résultats, il reste toujours du travail pour accompagner, chérir, et déceler les zones d'ombres aussi de cette personne en devenir que nous avons lancée au monde. Une fièvre à 40° et dans votre esprit de mère, c'est la berezina. Vous attendez à ces côtés que le paracétamol agisse des heures en pleine nuit, et ne repartez vous coucher que si la fièvre est bien descendue.
Un cauchemard, et vous retrouvez votre petit un peu hagard assis par terre qui tripote son doudou et vous demande "y'a pas de monstres, maman, ils existent pas les monstres verts, hein?", parce qu'il a vu une photo de Hulk sur un bus, et que s'il l'a vu, il doit bien crécher quelque part..Hulk.
 
On me parle de nounous, et oui, elles sont là pour vous permettre de vous envoler vers une autre vie, certes, mais on ne se sépare pas en deux si facilement, pour occuper le profil d'une manageuse aguerrie et déterminée..passé le pas de la porte, sauf à être potentiellement schyzophrène, le métier de maman est pétri de tâtonnements psychologiques et de solutions pas forcément intuitives aux études de cas qui nous sont soumises, en cela, il ressemble au métier de manager, à la différence qu'il est plus simple d'expliquer clairement les choses à un adulte qu'à un enfant qui, comme le mien, fera comme s'il n'entendait pas quand cela ne l'arrange pas.
 
Super Nanny ne fait jamais spontanément ce que vous auriez vous initié..elle demande à la maman de s'éloigner et de bouder le petit qui refuse une punition, quand vous vous auriez lourdement insisté jusqu'à ce qu'il y aille..au coin.
 
L'éducation est pleine de faux-amis qu'il faut apprendre à connaître, pour éviter qu'ils ne vous saccagent votre relation, et les enfants sont plus ou moins (plutôt moins d'ailleurs) dociles qu'on ne l'imagine. Ils sont rebelles naturellement et se domestiquent par amour pour vous, tout est important sur le moment et rien ne saurait attendre, car leur vie est là au présent sous leurs caprices du jour, et un refus pour un petit est l'équivalent d'un risque de rupture avec vous et son monde s'écroule sincèrement. "Temporiser" ne signifie rien pour eux. Un enfant est passionné par définition, et oui, il y a des écoles de parents.
 
A présent, reprendre de mon côté une activité forcément prenante pour qu'elle soit intéressante..est un jugement de Salomon. Je me coupe un bras, si je dois déléguer à autrui de se charger de mon fils le matin et le soir, pour avoir des horaires compatibles avec le job, j'imagine que ce dernier va vivre sans moi ou quasi toutes ces heures dans une journée et que je vais lui manquer, qu'il le fera à la maternelle, certes, mais si on hésite à laisser un bébé parce qu'il est fragile, on hésite à laisser un plus grand parce qu'il est conscient. Et qu'on ajustement réussi à lui donner confiance en nous et dans le monde. Si ce monde l'abandonne encore petit, c'est sabrer son travail...et quoi qu'il en soit, "ils grandissent si vite", affirmait hier une amie avocate, forcée de revenir à son poste avec un petit de 9 mois..qui disait à mon homme "comprendre qu'il faille vraiment être bien payée dans un boulot gratifiant" pour être égoîste et laisser son petit à d'autres toute une longue journée. La connaissant, si elle avait pu faire une pause, ce qui matériellement lui est difficile avec un prêt de grand appartement ds le 8ème sur le dos, je pense qu'elle l'aurait fait bien volontiers, pour elle aussi, nouer ce lien fort avec son fils.
 
La crèche 7 h par jour est un maximum. Il y vit actif et entouré.., mais il faut vraiment quelqu'un de confiance dans ts les sens du terme qui soit capable de relayer sa mère pour accepter de "perdre" ce temps de vie commun avec son enfant, et de n'en avoir finalement les échanges que les week-ends et à peine un peu le soir..? Cela suffit-il vraiment pour offrir à un enfant des souvenirs d'enfance heureuse qui vont le soutenir pour la suite? Lui donner cette force psychologique de fond nécessaire à sa self-esteem?
 
Je me coupe aussi un autre bras, quand je vois que j'ai dû pour des raisons de mobilité laisser passer un grand nombre d'annonces et de postes motivants et structurants pour mon CV.
Mais je me console en voyant cette joie sur le visage de mon fils quand on joue ensemble.
Chaque mère qui s'éloigne longtemps de ses enfants est en souffrance, pour elle et pour eux..quand ils sont encore bébés.
Car elle n'est jamais sûre totalement de ne pas faire une erreur.
Ce conflit est intérieur et taraude, j'en suis sûre un grand nombre de mères actives. Ce qui explique que je cherche encore une fonction peu chronophage et à proximité de mon domicile et bien callée professionnellement pour éviter de trop grandes amplitudes horaires d'éloignement, et que je me venge régulièrement sur mon mari, aigrie de ce que lui forcément doive continuer à assumer ses fonctions sans sourciller..alors que cet enfant est autant le sien que le mien.
S'est-il "à un moment inquiété pour le petit qui avait une forte fièvre au point de m'appeller et de prendre de ses nouvelles?" "Non..je savais que tu étais là ma chérie pour t'en occuper..et que tu le fais bien."
CQFD.
 
  


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